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Loi Pénicaud : un coup dur pour l'emploi des travailleurs handicapés ?

Depuis 1987, les entreprises françaises de plus de 20 salariés sont tenues d'employer au moins 6 % de travailleurs handicapés (TH). Pour atteindre cet objectif, elles pouvaient soit embaucher directement des personnes en situation de handicap, soit collaborer avec des Entreprises Adaptées (EA) ou des Établissements et Services d'Aide par le Travail (ESAT), soit verser une contribution à l'Association de Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (Agefiph). Cette dernière utilisait ces fonds pour aider les entreprises à adapter leurs postes de travail, notamment par l'acquisition de fauteuils ergonomiques, l'aménagement des locaux ou l'installation de logiciels adaptés.

 

 

En 2005, une réforme a encouragé les entreprises à investir directement dans le recrutement de TH, en permettant de déduire ces investissements de leurs contributions à l'Agefiph. Ce système incitatif a favorisé l'émergence d'Entreprises Adaptées, employant au moins 55 % de TH, qui proposaient des services clés en main pour aider les entreprises à atteindre le seuil des 6 %.

 

Cependant, la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, dite « loi Pénicaud », a apporté des modifications significatives à ce dispositif. D'une part, elle a limité la durée des accords agréés à trois ans, renouvelables une fois, après quoi les contributions à l'Agefiph augmentent, indépendamment des investissements réalisés pour le recrutement de TH. D'autre part, elle a recentré l'obligation d'emploi sur les emplois directs, excluant ainsi les collaborations avec les EA du calcul des 6 %.

handicap.gouv.fr

 

Ces changements ont eu plusieurs conséquences :

 

Les entreprises hésitent à renouveler les investissements engagés depuis 15 ans, craignant une augmentation des contributions à l'Agefiph.

Celles qui n'avaient pas encore conclu d'accords sont réticentes à investir, préférant s'acquitter de leur obligation par le versement de la contribution financière.

Les fonds se dirigent davantage vers l'Agefiph, qui se concentre principalement sur l'aménagement des postes de travail, plutôt que sur le recrutement.

Les Entreprises Adaptées, privées de leur rôle dans le dispositif, rencontrent des difficultés financières.

En termes de chiffres, la part des salariés handicapés dans l'emploi total, en équivalent temps plein, est passée de 2,4 % en 2006 à 3,5 % en 2018, puis à 3,6 % en 2023, restant ainsi en deçà de l'objectif légal de 6 %. Il est encore tôt pour mesurer pleinement l'impact de la loi de 2018, mais de nombreux acteurs du secteur estiment que cette réforme pourrait inverser la tendance positive observée précédemment.

 

 

Ainsi, sous couvert d'améliorer l'emploi des TH, la loi Pénicaud a modifié un système qui offrait aux entreprises une visibilité et leur permettait d'investir sur le long terme dans l'emploi des personnes handicapées. Certains y voient une stratégie visant à augmenter les contributions des entreprises pour renflouer les caisses de l'État, au détriment de l'inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap.

Auteur 

Mayeul BERETTA

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